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11 mai 2025
Lucie Jeanguyot
Mon genre de prédilection est la nature morte et ma technique favorite est
la peinture à l’huile. À la suite de Francis Ponge, je veux adopter Le parti-pris des
choses, le plus souvent fruits et légumes dans des compositions minimalistes et
des petits formats, manière pour moi de prendre le contre-pied d’une société de
l’abondance et de l’excès. « Rien de trop » pourrait être ma devise, principe
esthétique et moral dont le respect impose une discipline de l’attention : il y a du
spectaculaire dans les choses ordinaires, toujours regardées et nommées mais
rarement vues comme elles apparaissent. Peindre, c’est-à-dire prendre congé de
soi afin de voir ce que Jean-Luc Marion appelle des invus : formes, couleurs et
ombres inédites que parachèvent le mûrissement et le pourrissement, comme
autant d’incendies, de crépuscules et de mondes qui se font et se défont. David
Hume l’a dit : un ordre vient au jour dans « la putréfaction d’un navet ».
À mi-chemin entre l’hyperréalisme et le réalisme magique, je peins ce
qu’Aristote avait nommé « l’étrange dans les choses banales ». Ces choses sont
des pommes, des grenades, des citrons…, symboles des maîtres flamands ou
planètes en miniature, supports d’une pédagogie gourmande. Fruits : produits du
labeur des hommes et de la nature, rapports sociaux occultés par le fétichisme de
la marchandise, desserts inconsommés et décomposés, astres errants et finalement
vanités.